Il n'y a pas que "l'efficience" à prendre en compte dans l'organisation de la société.
L'efficience, c'est l'allocation optimale des ressources sans aucun gaspillage Dans une société où il fait bon vivre, il y a lieu aussi de veiller à la répartition de la richesse.
Les gouvernements assurent une certaine redistribution en prélevant des taxes et impôts (lesquels servent aussi à financer la production de biens et de services en-dehors des marchés , notamment les "services publics"). Toute taxe entraîne toujours une inefficience des marchés, mais c'est considéré comme un prix à payer pour aboutir à une société "plus juste".
Toute société doit trouver un compromis entre "efficience" et "justice". Le problème est compliqué du fait que si la notion "d'efficience" peut se définir et se mesurer objectivement, ce n'est pas le cas de la notion de "justice", sur laquelle il y a rarement un consensus global. Selon G.Mankiw la notion de "justice" se situe en-dehors du champ de la sience économique : "Tout au plus les économistes peuvent-ils éclairer le débat et tenter d'éviter que ne soient adoptées des politiques qui sacrifieraient l'efficacité économique sans améliorer en rien la justice". (réf.1, Mankiw, p.33)
En pratique, les économies réelles ne sont jamais uniquement constituées de marchés libres parfaitement concurrentiels.
Trois types de perturbations empêchent les marchés d'atteindre leur fonctionnement optimal.
(1) Marchés non concurrentiels (monopoles, oligopoles ...) :
"Dans une industrie compétitive la concurrence va forcer le prix à baisser jusqu'au coût marginal." (réf.2, Hartford, p.63) [NB : le coût marginal = le coût encouru pour produire une unité supplémentaire]
Mais il peut exister des situations où un ou quelques acteurs du marché possèdent un avantage exclusif ("scarcity power") qui leur permet de réclamer un prix largement supérieur au coût réel, çàd. le coût qui prévaudrait si le marché était concurrentiel, ce qui engendre clairement une inefficience qui n'est pas sans analogie avec celle causée par une taxe. C'est pourquoi les gouvernements se préoccupent en général de maintenir un certain degré de concurrence dans les marchés (lois "anti-monopole" par ex.)
(2) Non transparence de l'information
Le manque d'information, plus spécifiquement l'information asymétrique, lorsqu'une partie est mieux informée que l'autre, peut nuire gravement au fonctionnement efficient d'un marché, voire carrément entraîner la disparition d'un marché qui aurait pu être profitable à l'économie, par ex. "quand les acheteurs plongés dans l'ignorance ne souhaitent pas payer pour une qualité qu'ils ne sont pas en mesure de vérifier" (réf.2, Hartford, p.126).
Ce problème affecte notamment le marché de l'assurance santé. Là c'est le vendeur, la compagnie d'assurance, qui n'est pas en mesure d'évaluer correctement le risque "santé" du client preneur d'assurance, si ce n'est par des procédures bureaucratiques très coûteuses. Ceci a entraîné partout dans le monde une intervention plus ou moins poussée des pouvoirs publics dans ce type de marché.
Néanmoins, " ... ce serait une erreur d'exagérer les problèmes causés par les problèmes d'information. En dépit de ceux-ci, les marchés fonctionnent souvent correctement, parceque les gens trouvent des solutions ingénieuses pour améliorer la qualité de leur information ou pour réduire le dommage causé par une information imparfaite." (réf.2, Hartford, p.128)
(3) Externalités
Il se peut qu'une transaction qui satisfait pleinement les 2 parties sur un marché libre ait des effets collatéraux qui impactent d'autres personnes n'ayant rien à voir dans la transaction. Par ex., si je prend ma voiture pour aller en ville, ce déplacement particulier ne me coûte pas grand chose si ce n'est le prix de l'essence, mais ce déplacement ajoute aux embouteillages, à la pollution etc...sans que j'aie rien à payer en plus pour les inconvénients ainsi créés pour l'ensemble des habitants de la ville. Ces effets collatéraux sont appelés "externalités", parceque ce sont des effets hors du marché, en l'occurrence il s'agit d'une externalité négative.
Selon Tim Hartford, la meilleure manière de traiter ces problèmes est de faire payer une taxe d'externalité ("externality charge") : "L'idée d'une taxe d'externalité n'est pas de décourager chacun de rien faire qui puisse incommoder qui que ce soit d'autre, mais de les inciter à tenir compte des inconvénients qu'ils causent aux autres ; ... elle doit trouver le juste équilibre entre le plaisir retiré de l'action et le trouble causé, elle doit refléter le coût de l'externalité ... mais pas plus." (réf.2, Hartford, p.85)
Il existe aussi des externalités positives, par ex. l'enseignement : au-delà de la valeur qu'une bonne éducation confère à un individu, elle entraîne des retombées favorables pour l'ensemble de la société. Pour en tenir compte, la solution est symétrique : au lieu d'une taxe, une subvention d'externalité.
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